France

Les leviers de notre commerce extérieur sont liés à notre compétitivité intérieure

Dans son interview pour la magazine Conjoncture de la CCIF Maroc, Arnaud Vaissié, Président de CCI France International, revient sur l'évolution du commerce extérieur de la France

Quel est votre regard sur l’évolution du commerce extérieur de la France ces dernières années ?

Arnaud Vaissié : Le commerce extérieur est un élément de puissance économique et politique d’un pays. Or, le déficit de la balance commerciale de la France est de 60 milliards d’euros (2018) et le dernier solde positif date de 2002. Notre maillon faible est connu, nous n’avons pas assez de PME exportatrices : 5 % des PME françaises sont exportatrices, deux fois moins qu’en Italie et 3 fois moins qu’en Allemagne. Quand nos PME exportent, il est frappant de voir qu’elles ont un fonctionnement international assez artisanal : 80 % d’entre elles exportent sans passer par un intermédiaire, 15 % le font sans site internet et, sur les 85 % qui ont un site, 37 % n’ont qu’une version française. Il est donc crucial de cibler ces entreprises, et en particulier les sociétés primo-exportatrices, pour leur apporter une aide dont elles ont grandement besoin pour favoriser leur développement à l’international. Par ailleurs, il est important de rappeler que, pour encourager ce développement à l’international, nos entreprises ont besoin d’un cadre réglementaire et fiscal national qui soit compétitif pour être à jeu égal avec leurs concurrentes étrangères. Force est de constater que les entreprises françaises ont des taux de marge très inférieurs par rapport à ceux de nos voisins européens : 31 % pour la France contre plus de 40 % pour l’Espagne et l’Allemagne par exemple. Cela pèse sur la compétitivité de nos entreprises et sur leur capacité de projection à l’international. Il est essentiel que la France se rapproche au moins de la moyenne européenne qui se situe à 38 %. Les leviers de notre commerce extérieur sont évidemment liés à notre compétitivité intérieure.

Comment imaginez-vous le dénouement du Brexit ?

Depuis trois ans, les entreprises présentes outre- Manche vivent quotidiennement avec ce dicton : « Hope for the best, plan for the worst » : espérer le meilleur dénouement, mais planifier pour le pire scénario possible. Il est très difficile de faire des pronostics à ce stade tant le pays semble être dans une impasse politique. Il est clair que le Brexit génère une forte insécurité et les entreprises redoutent l’incertitude. Par conséquent, l’impact est important sur les investissements au Royaume-Uni. Je copréside « Le Cercle d’outre-Manche », ce think tank économique basé à Londres qui rassemble 50 patrons français issus de tous secteurs d’activités. Nous avons mené un sondage il y a quelques semaines dans lequel plus de 40 % de nos membres indiquent que le Brexit a eu une incidence sur leurs décisions d’investissement au Royaume-Uni au cours de ces 30 derniers mois. Un grand nombre d’entreprises ont soit repoussé, soit annulé, les investissements qu’elles avaient prévu de faire avant le vote en faveur du Brexit. Le manque d’investissement sur une période donnée ne se rattrape pas. Il n’est donc pas surprenant que les investissements directs étrangers (IDE) au Royaume-Uni aient enregistré en 2018 leur plus bas niveau depuis près de 10 ans. Quant à l’impact économique du Brexit sur la France, il est réel puisqu’il y a aujourd’hui 30 000 entreprises françaises qui exportent au Royaume-Uni et 3 400 entreprises qui y sont implantées. Le Royaume-Uni est le premier excédent commercial de la France. Une étude de l’assureur-crédit Euler Hermes évalue à 3 milliards d’euros la perte en valeur pour les entreprises françaises en cas de « no deal », d’où l’importance de s’y préparer. Les grands groupes ou les secteurs très exposés comme les laboratoires pharmaceutiques ont, pour la plupart, mis en place des plans B en diversifiant leur voie d’approvisionnement par exemple. En revanche, cela est plus difficile pour les PME qui n’ont pas forcément les ressources nécessaires pour appréhender et faire face aux conséquences d’un « hard Brexit ». Le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne est un coup dur pour l’Union. Face à la force des économies américaine et chinoise, l’UE est évidemment plus forte avec la 6e puissance économique mondiale que sans. Le défi aujourd’hui pour l’UE est de parvenir à créer les conditions nécessaires permettant d’offrir davantage de croissance et de prospérité à l’ensemble de nos pays. Cette prospérité, si elle est partagée intelligemment, sera le meilleur moyen pour faire face à la montée des populismes.

Il y a quelques mois, a été lancée la Team France Export. Que cela implique-t-il pour l’ensemble du réseau CCI FI (Chambres de Commerce et d’Industrie Françaises à l’International) ?

Après un an d’existence, le bilan de la « Team France Export » est positif. La bataille de l’export commence avant tout dans les territoires en France. Cette mission renforcée sur la France a été menée en étroite collaboration avec les CCI de France, au sein desquelles des personnels Business France sont venus renforcer les équipes de conseillers en développement international. Ce rapprochement permet de proposer un guichet unique « Export » CCI / Business France aux Régions de France qui ont dans leurs prérogatives le développement économique et en particulier l’internationalisation des entreprises. Concernant la mise en place de concessions de service public (CSP), six pays pilotes ont vu l’activité export / accompagnement des entreprises de Business France proposée en concession de service public (Maroc, Belgique, Hongrie, Norvège, Philippines, Singapour). Une procédure d’appel d’offres a été lancée l’année dernière et ce sont les Chambres de commerce de ces six pays qui ont été retenues. J’en profite pour saluer l’excellent travail de la Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc qui fait partie des chambres retenues par Business France. Concernant les délégations de service public des marchés publics de services, les deux premiers ont été attribués au Japon et à Hong Kong. Là encore, ce sont les Chambres de commerce françaises de ces pays qui ont été retenues, ce dont nous nous réjouissons grandement.

Quels sont les principaux projets sur lesquels travaille actuellement CCI France International ?

Les projets sont nombreux. D’abord, notre réseau vient de lancer une marque commune pour porter toute l’activité des centres d’affaires / incubateurs et tous les services liés à l’implantation : Le BOOSTER. Il s’agit désormais de déployer cette marque dans toutes les CCI FI concernées. Ensuite, nous avons également élaboré un programme de mentorat très abouti, Duo Mentoring, reproductible dans tous les pays, et qui sur le moyen long terme s’avèrera un dispositif très utile et apprécié des entreprises. Il s’agit d’un projet soutenu par les Conseillers du Commerce Extérieur dont l’une des missions est le parrainage d’entreprises. Nous nous réjouissons de ce partenariat. La force de notre réseau réside dans ses membres c’està- dire les entreprises. Établir des passerelles entre nos différentes communautés d’affaires à travers le monde, et permettre de renforcer notre communauté mondiale de membres reliés à la France, constitue l’enjeu numéro un pour les prochaines années. La Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc a compris avant toutes les autres l’importance d’ouvrir le monde à ses adhérents. Nous devons reproduire cette expérience à l’échelle du réseau et l’étendre à tous. Notre communauté d’affaires représente aujourd’hui plus de 36 000 entreprises, mais en nombre de contacts et de professionnels, c’est infiniment plus en réalité, c’est ce réseau extrêmement puissant que nous devons activer efficacement.

Est-il prévu d’ouvrir de nouvelles CCI FI ?

Nous accueillons au sein de notre réseau de nouveaux candidats chaque année, et leur proposons notre soutien avant même qu’ils n’adhèrent, mais nous n’initions pas de nouvelles organisations dans les pays. Les Ambassadeurs assistés des Conseillers du Commerce Extérieur s’en chargent souvent pour nous. Nombreuses sont les initiatives en cours, notamment sur le continent africain. Nous les soutiendrons autant que possible.

Les rencontres CCI FI- Partenaires auront lieu à Paris bientôt : quels en seront les principaux temps forts ?

CCI France International organise en effet le 24 juin prochain une journée de rencontres avec les Directeurs généraux de nos CCI Françaises à l’International et leurs principaux partenaires. Les représentants de près de 60 pays participeront à cet événement qui se déroulera à l’hôtel Méridien. De nombreux groupements professionnels et grandes écoles ont répondu à notre invitation et ils pourront notamment échanger sur leurs projets de développement avec nos directeurs présents. Cette année, nous mettrons particulièrement en avant les missions d’exploration professionnelle « LEX » (Learning Expeditions), service pour lequel nos CCI FI sont de plus en plus souvent sollicitées par des écoles, clusters ou grandes entreprises françaises. J’ajoute que nous organisons le même lundi soir la seconde édition des « Trophées CCI France International ». Nous attendons cette année 650 participants au Pavillon d’Armenonville. Notre soirée sera comme l’année dernière placée sous le haut patronage du Président de la République et notre invité d’honneur et parrain de la promotion des lauréats 2019 sera Geoffroy Roux de Bézieux, Président du MEDEF.

Notre objectif est de rassembler chaque année tous les acteurs du dispositif du commerce extérieur de la France, unis dans un même effort collectif pour redonner à la France une place de premier plan sur les marchés internationaux. Nous y consacrons les performances à l’international des entreprises françaises. C’est une occasion unique pour lancer un message d’encouragement à toutes ces entreprises dynamiques, innovantes ou maîtrisant un savoir-faire particulier, afin qu’elles se lancent plus fortement encore dans la grande aventure de l’international.

Propos recueillis par Nadia Kabbaj

Contact

CCIF Maroc
www.cfcim.org

 

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