Allemagne

Comment l’Allemagne et la France soutiennent leurs entreprises

Pour limiter les faillites d’entreprises, l’Allemagne et la France ont mis en place des aides d’urgence visant à soutenir la trésorerie.

Retrouvez dans cet article l'avis de Frédéric Berner, directeur général de la CCI France-Allemagne

Des dispositifs de nature similaire, mais sans commune mesure quant à leur ampleur.

La somme est pharaonique. 1 200 milliards d’euros, voilà le budget global que l’Allemagne a décidé de mettre sur la table pour sauver ses entreprises de la crise économique causée par la pandémie du coronavirus (Covid-19).

"C’est à peu près l’équivalent de ce qu’avait coûté la réunification entre la RDA et la RFA en 1989, compare Frédéric Berner, directeur général de la CCI France-Allemagne. La prudence financière allemande est souvent pointée du doigt mais force est de constater que l’Allemagne a, aujourd’hui, les moyens de soutenir son économie pour faire face à la crise économique.»"

A côté, le plan de sauvetage de son voisin européen, la France, fait pâle figure. Les parlementaires ont, en effet, adopté, vendredi dernier, un nouveau projet de loi de finances rectificatif pour 2020 (PLFR 2020) – le second depuis le début de la crise –, portant de 45 milliards d’euros à 110 milliards d’euros, les capacités budgétaires de l’Etat pour aider les entreprises françaises à surmonter le cap du Covid-19. "Le plan de soutien de 1200 milliards d’euros mis en œuvre par l’Allemagne est certes spectaculaire mais il comprend principalement des garanties de prêts bancaires", souligne Alain Fabre, directeur associé au sein d’In Extenso Finance & Transmission. Dans cette logique, il faut donc ajouter au plan français les 300 milliards d’euros promis pour les prêts garantis d’Etat, ce qui porte le budget pour les mois de mars et d’avril à 410 milliards d’euros. Il n’empêche : même avec ce calcul, la France reste moins généreuse que l’Allemagne pour aider son économie.

Le report des charges sociales et fiscales

Pourtant, à première vue, les deux plans d’urgence sont quasiment identiques. "Beaucoup de mesures d’aides aux entreprises sont similaires entre l’Allemagne et la France, constate Bruno Ducouré, économiste au Centre de recherche en économie de Sciences Po. Ce sont les enveloppes allouées aux différentes mesures des plans de sauvetage respectif qui font surtout la différence et donnent l’avantage à l’Allemagne."

Dans les deux pays, des aides à la trésorerie ont en effet été très rapidement mises en place pour soutenir les entreprises. D’abord, les rentrées fiscales ont été reportées. Outre-Rhin, des délais de paiement d’échéances fiscales et de charges sociales ont été autorisés, pouvant aller jusqu’à trois mois. "De plus, les paiements des acomptes de TVA ou d’impôts sur les sociétés (IS) peuvent être repoussés, voire annulés au cas par cas, indique Frédéric Berner. De même, les pénalités de retard de paiement sont supprimées."

En France, les entreprises peuvent elles aussi demander un délai de paiement jusqu’à trois mois pour leurs cotisations salariales et patronales et leurs charges fiscales (Urssaf et impôts indirects). En revanche, contrairement à l’Allemagne, la possibilité d’une annulation pure et simple du paiement des charges sociales et fiscales au cas par cas n’est pas encore actée à Bercy. Si cette éventualité était un jour accordée, elle ne concernerait toutefois que les entreprises fragilisées ne retrouvant pas, à court terme après le déconfinement, de chiffre d’affaires. Les secteurs de la restauration, de l’évènementiel et du tourisme, mis à l’arrêt par décision administrative depuis le 16 mars dernier pourraient, comme l’a indiqué le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, être concernés par cette annulation de leurs charges. Autre différence entre les deux pays donnant un avantage à l’Allemagne : le paiement de la TVA reste dû en France. 

Par ailleurs, le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, a également autorisé le report de paiement, au trimestre suivant, de certains impôts de production sans pénalité, tels que la contribution de la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Une mesure qui n’existe pas outre-Rhin puisque les entreprises allemandes ne paient pas d’impôt de production.

Des subventions non remboursables 

Ensuite, la France comme l’Allemagne ont décidé de mettre l’accent sur l’aide aux TPE-PME. Outre-Rhin, une subvention unique et non remboursable est ainsi versée à cette catégorie d’entreprises. Le budget alloué à cette mesure est de 50 milliards d’euros et se déploie sur deux niveaux. "D’abord au niveau de l’Etat fédéral qui verse cette aide et ensuite au niveau des Landers (des régions) qui peuvent tout à fait décider d’augmenter cette subvention de l’Etat pour tenir compte, par exemple, des surcoûts engendrés par des loyers plus élevés dans certaines villes", précise Alain Fabre. 

Concrètement, l’Etat fédéral allemand a décidé d’octroyer une aide unique, non remboursable, de 9 000 euros pour les entreprises de moins de 5 salariés et de 15 000 euros pour celles comptant moins de 10 salariés qui doit permettre de faire face aux dépenses récurrentes durant trois mois. Toutefois, seules les entreprises qui ne connaissaient pas de difficultés financières au 31 décembre 2019 peuvent prétendre à ce soutien financier. De plus, les dirigeants doivent déjà avoir sollicité un prêt auprès de leur banque – qu’il soit accordé ou non – pour instruire un dossier de demande. Ensuite, au niveau des Landers, chaque région est libre d’abonder ou non cette subvention. "Des mécanismes régionaux prennent très souvent le relais de l’État pour les entreprises dont les effectifs dépassent 10 salariés, explique Frédéric Berner. Par exemple, le Land de Hesse, où se situe Francfort, propose une aide non remboursable de 30 000 euros (pour trois mois) pour les sociétés ayant jusqu’à 50 salariés."

En France, un fonds de solidarité destiné aux TPE-PME, doté de 7 milliards d’euros, a été instauré en mars dernier. Les entreprises peuvent dans ce cadre obtenir également un montant forfaitaire non remboursable, mais celui-ci est seulement de 1 500 euros, complété au cas par cas par les régions jusqu’à hauteur de 5 000 euros supplémentaires. Pour l’obtenir, les TPE-PME doivent encore remplir des conditions cumulatives très restrictives : seules les entreprises de moins de 10 salariés, dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à un million d’euros et ayant perdu 50 % de leur chiffre d’affaires sur les 12 derniers mois, peuvent en faire la demande.

Bruno Le Maire a par ailleurs annoncé de nouvelles aides, cette fois sous forme d’avances remboursables. "Ces avances, représentant un budget de 500 millions d’euros, sont destinées aux entreprises qui n’auront pas pu accéder à un prêt garanti d’État", a précisé le ministre de l’Économie et des Finances, lors de la présentation du second projet de loi de finances rectificatif le 15 avril dernier. Une façon de colmater les brèches côté français, même si, faute de prêts, ces entreprises risquent d’avoir du mal à rembourser les avances… Quoi qu’il en soit, s’agissant des aides directes à la trésorerie des entreprises, c’est bien l’Allemagne qui se montre la plus généreuse.

Des prêts rapides garantis à 100%

Le constat est similaire dans le domaine des prêts garantis par l’État, autre axe majeur de soutien aux entreprises dans les deux pays. "Les mesures de garanties sont difficiles à comparer d’un pays à l’autre, nuance toutefois Bruno Ducouré. Il faudra voir à la fin de la crise du coronavirus l’argent qui aura été véritablement engagé par les États car une enveloppe de prêts garantis n’est jamais réellement utilisée dans son entièreté."

En Allemagne, c’est l’État fédéral qui assure cette garantie via la Kreditanstalt für Wiederaufbau ( KfW), l’équivalent français de la Caisse des dépôts. Dotée d’un budget de 550 milliards d’euros, cette mesure permet aux banques d’accorder des prêts avec une garantie de la KfW pouvant atteindre 90 % du prêt. Le montant sera fonction de la demande formulée par les entreprises et ce quelle que soit leur taille. "Les entreprises allemandes peuvent demander jusqu’à 25% de leur chiffre d’affaires 2019, ou deux fois les coûts salariaux de l’année 2019, ou encore 18 mois de besoin en trésorerie pour une société de moins de 50 salariés ou 12 mois pour les entreprises de taille supérieure", détaille Frédéric Berner. Les banques allemandes n’ont pas besoin de procéder à une évaluation des risques de l’entreprise pour tous les prêts n’excédant pas 3 millions d’euros, ceux-ci étant directement garantis par la KfW. Par ailleurs, les demandes n’excédant pas trois mois de chiffre d’affaires de l’année 2019 jusqu’à un montant de 500 000 euros pour les TPE-PME et de 800 000 euros pour les grandes entreprises, pourront être garanties à 100% par la KfW sous la forme d’un prêt rapide.  

En France, l’enveloppe budgétaire dédiée aux prêts garantie d’Etat (PGE), via BPI France et la direction générale du Trésor, est nettement moins importante qu’en Allemagne puisqu’elle s’élève à 300 milliards d’euros. Certes, les entreprises françaises peuvent demander jusqu’à trois mois de chiffre d’affaires dans le cadre de ces PGE ou deux années de masse salariale pour les start-up, ce qui est proche du système allemand. Mais la particularité française réside dans le fait que le niveau de garantie accordée varie selon la taille de l’entreprise. La garantie n’est ainsi de 90% que pour les entreprises comptant jusqu’à 5 000 salariés et dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 milliard d’euros. Elle passe à 80% pour les entreprises réalisant plus d’1,5 milliard d’euros de chiffres d’affaires et à 70% pour les groupes dont le chiffre d’affaires est supérieur à 5 milliards d’euros (voir tableau). Jusqu’au vote du second PLFR, vendredi dernier, les entreprises placées sous redressement judiciaire avant la crise économique engendrée par le coronavirus étaient, en outre, exclues du champ d’éligibilité du PGE. 

L’assouplissement du recours au chômage partiel 

Enfin, les deux pays ont également décidé de recourir massivement au chômage partiel pour sauver leurs économies respectives. La France s’est en l’occurrence inspirée de l’Allemagne, dont le redressement rapide après la crise de 2008-2009 est notamment lié à l’utilisation de ce dispositif. Dans ce domaine, "l’Agence fédérale pour l’emploi dispose de 26 milliards d’euros de réserves pour répondre aux demandes, souligne Alain Fabre. Il fera face tant que le recours au chômage partiel sera nécessaire". Pour cela, le mécanisme a  été quelque peu assoupli. Avant la pandémie du coronavirus, si une entreprise allemande souhaitait recourir à ce dispositif, 30% de ses effectifs devaient être impactés par une baisse d’activité. Aujourd’hui, il suffit que 10 % de la masse salariale soit touchée pour que le dirigeant puisse demander à accéder au chômage partiel. Par ailleurs, les travailleurs intérimaires sont désormais éligibles au dispositif, ce qui n’était pas le cas avant la crise. 

Autre souplesse apportée au mécanisme allemand : l’indemnité n’est plus soumise aux charges patronales, qui étaient jusqu’à présent supportées à hauteur de 80% par l’entreprise (et à 20% par l’État). 

S’inspirant  de son voisin européen, la France a donc décidé de consacrer, à ce jour, 24 milliards d’euros pour gérer une baisse d’activité ponctuelle, et éviter ainsi une vague de licenciements. Une fois n’est pas coutume, elle se montre bien plus généreuse que l’Allemagne concernant le montant de l’allocation chômage (voir tableau). Si les deux pays prennent en effet à leur charge 100% des versements effectués par les entreprises à leurs salariés, la prise en charge par l’État de l’allocation chômage reçue par un salarié français est plus importante que celle perçue par un Allemand : le premier touche 84% de son salaire net mensuel (ou 100% s’il est au SMIC) contre 60% à 67% (en cas d’enfants) pour le second. Une perte de rémunération conséquente, d’autant qu’outre-Rhin, le montant de l’indemnité de chômage partiel est également plafonné à 2 891,65 euros (voir encadré). Une particularité allemande qui n’existe pas en France. 

Toutefois, si le Gouvernement allemand réfléchit  actuellement à augmenter le taux d’indemnisation de  60% ou 67% à 80% ou 87% du salaire net, la générosité française ne sera pas conséquente sur la croissance. La crise sanitaire n’a en effet pas affecté, tant humainement qu’économiquement, les deux pays de la même manière. "L’Allemagne compte près de 720 000 entreprises, essentiellement des TPE (restaurants, etc.) ayant recours au chômage partiel. Le gouvernement table sur 2 millions de personnes bénéficiant du chômage partiel, soit nettement plus qu’en 2009 (1,4 millions de personnes) alors que la France en compte déjà 10 millions, précise Alain Fabre. Par ailleurs, Bruno Le Maire prévoit désormais une contraction de 9% du PIB pour 2020, ce qui est historique ! L’Allemagne anticipe quant à elle une contraction de son PIB qui pourrait atteindre 5% pour 2020." Une différence qui s’illustre déjà dans la nouvelle étape que vient de franchir l’Allemagne : certains magasins – ceux dont la surface n’excède pas 800 mètres carrés et tous les concessionnaires automobiles – ont rouvert leurs portes depuis lundi dernier. En France, les modalités du déconfinement progressif à partir du 11 mai – et donc de la réouverture de certains commerces – devraient être connues, au mieux, d’ici les prochains jours…

Source : Option Finance

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