Italie

Les synergies franco-italiennes sont un vecteur de réussite entrepreneuriale

Italie, 3ème puissance économique de la zone euro, un pays de débouchés intéressants. Rencontre avec Denis Delespaul, Président de la CCI France Italie.

Le tissu entrepreneurial français en Italie est représenté par plus de 1.900 entreprises et 250.000 employés. Dans cet environnement, que propose la CCI France Italie ?

Outre le fait de fédérer les principaux grands groupes français actifs dans tous les domaines (banque, énergie, distribution, luxe…), la CCI propose des services très concrets tant aux entreprises françaises qui souhaitent s’installer en Italie, qu’aux entreprises italiennes qui voudraient s’installer en France. Pour ce faire, ces dernières peuvent d’ailleurs faire appel aux CCI présentes sur l’ensemble du territoire national.
 

Que réserve cette année 2019, déjà objet de tensions diplomatiques ?

Elle sera marquée sur le plan politique par les élections européennes de mai dont l’issue pourrait avoir un impact sur le monde des affaires. Deux exemples symptomatiques illustrent combien la politique impacte l’économique : le retard pris à la reprise des chantiers de l’Atlantique par Fincantieri. L’accord franco-italien conclu en septembre 2017 prévoit que le groupe transalpin détienne 50 % du capital, plus 1 % supplémentaire prêté par l'Etat Français. Les relations franco-italiennes tendues et l'accord a minima entre Naval Group et Fincantieri ne permettent pas au projet, qui pourrait pourtant créer un vrai champion européen, d’aller dans le bon sens.

Autre illustration plus éloquente encore : le tunnel Lyon/Turin sur lequel pèsent des incertitudes, alors même que le chantier est déjà bien engagé et que sa dimension stratégique pour la France, l’Italie et l’Europe n’est plus à prouver. Les freins sont dus là encore au contexte politique italien. 

Il est manifeste que les paroles ont des impacts concrets sur le terrain. C’est un triste constat car un certain nombre de projets, pourtant très avancés entre l’Italie et la France, sont ainsi à l’arrêt.

Faut-il rappeler que le précédent Gouvernement Italien avait signé un accord, appelé « Traité du Quirinal », qui prévoyait de nombreux chantiers conjoints en matière d’éducation, de formation, de développement d’écosystèmes start-ups… Ils sont pour l’instant restés lettre morte.

C’est donc parce qu’elle s’annonce compliquée que cette année 2019 doit nous pousser à travailler plus encore à la relation franco-italienne et à intensifier nos échanges d’affaires.

Enfin, pour finir sur une note plus consensuelle, 2019 marque aussi le 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci qui reste parmi l’une des très belles traces de notre Histoire commune et dont nous pourrions en faire un emblème significatif de la relation entre nos deux pays.
 

Les instances patronales italiennes s’impliquent-elles notablement à vos côtés ?

Absolument. Il en va de l’intérêt du bilatéralisme franco-italien et de l’Europe en général. La Confindustria ainsi que l’ensemble de tous les acteurs économiques ont conscience que l’entreprise doit conserver un rôle essentiel par-delà les raidissements politiques dans la création de valeur. A nous, CCI franco-italienne avec également tous les autres acteurs de travailler au renforcement de nos relations pour permettre aux entreprises de prospérer et de créer des emplois. La CCI est un cadre institutionnel qui ne doit pas être une coquille vide mais un espace de responsabilité sociale et économique. Les contacts que nous favorisons avec les évènements que nous créons doivent déboucher sur des accords commerciaux et sur de la création d’emplois qui reste l’objectif final. Notre volonté ici est, plus que jamais, d’organiser des espaces de rencontres pour les entrepreneurs. Nous avons, notamment avec l’Ambassadeur de France, Président d’honneur de la CCI France Italie, un très beau projet concernant un événement qui rassemblera des start-ups françaises et italiennes. Nous allons d’ailleurs multiplier ce type de rencontres pour « vendre » la destination France aux entrepreneurs italiens, mais également la destination Italie aux entrepreneurs français.

Rappelons enfin que l’Italie compte 3.800.000 millions de PME extrêmement dynamiques, en particulier dans le nord de l’Italie, et de nombreuses Chambres de commerce régionales qui s’activent pour permettre à leurs membres de conquérir le marché français.

 

L’Italie croit-elle encore à l’Europe ?

En effet, depuis plusieurs mois, il est vrai qu’un climat négatif s’est développé.

Toutefois, le monde des affaires est dans sa grande majorité pro-européen, par le simple fait que l’Europe offre la libre circulation des services et des produits et ainsi favorise le développement économique.

C’est donc une forte responsabilité du monde des affaires de démontrer que l’ouverture et donc l’Europe apportent plus de bienfaits que le contraire.

 

Êtes-vous optimiste quant à l’avenir de l’Italie ?

Nous allons sûrement vivre à court terme quelques soubresauts politiques jusqu’aux prochaines élections européennes, mais je suis optimiste sur le moyen et long terme car l’Italie reste un pays exceptionnel, animé par un puissant esprit entrepreneurial et fort de vrais savoir-faire dans l’industrie, le textile, l’alimentaire, le luxe, la mode…  Au niveau de la société civile, les liens demeurent forts et puissants et les PME sont toujours aussi dynamiques. De fait, les Italiens exportent bien plus en France que les Français n’exportent en Italie (plus de 6 milliards de différentiel) et la totalité des échanges commerciaux contribuent à plus de 56% à son PIB. En 2017, les sociétés italiennes ont exporté pour 448,1 milliards d’euros de marchandises (+5,4% par rapport à 2016) et importé pour une valeur de 400,6 milliards (+5,3%), permettant ainsi un excédent commercial de 47,5 milliards d’euros (le troisième surplus le plus important de l’UE après l’Allemagne et les Pays-Bas). L’Italie est un pays d’excès et de passion à l’Histoire et à la culture magnifiques, c’est là une de ses forces principales, malgré ses difficultés générées par d’énormes disparités régionales. Au nord, très industrialisé, le niveau de vie est supérieur à celui de la Suisse, quand il est, dans le Mezzogiorno, identique à celui du Portugal. Quant au taux de chômage, il est de près de 20 % en moyenne dans les régions méridionales, contre 8 % environ dans les septentrionales. L'Italie à plusieurs vitesses est une réalité qu’il faut savoir intégrer.

 

Quelles sont justement les différences culturelles à prendre en compte pour bien comprendre l’Italie ?

Il faut en premier lieu considérer deux choses :  l’unification de l’Italie est encore récente et, comme je viens de l’indiquer, le pays souffre de fortes disparités régionales. Pour le reste…nous sommes deux peuples latins aux complémentarités exceptionnelles que nous, Français, trouvons moins naturellement avec les Allemands ou les Espagnols. Toutefois, il faut être attentif au fait que l’Italien est particulièrement sensible et fier. Il ne faut donc pas arriver en Italie avec des certitudes mais avec des valeurs, une attitude de modestie et d’humilité et une capacité à rester ouvert face à la complexité italienne.

Je veux dire ici que lorsque la synergie fonctionne bien entre nos deux cultures, elle est un puissant vecteur de réussite entrepreneuriale, le Français apportant sa dimension stratégique et conceptuelle et l’Italien son côté pragmatique et concret. J’en veux pour preuve le nombre de sociétés italiennes acquises par les groupes français, qui aujourd’hui non seulement se portent bien mais se développent de manière fort sensible.

Des projets comme ceux-là sont à multiplier, de même que les initiatives communes, à l’instar de l’action menée par les organisations patronales (Confindustria et MEDEF) en faveur de l’Europe. Pour ma part, j’ai à cœur de mettre la CCI sur une ligne de croissance et de visibilité pour qu’elle soit à la hauteur de la relation franco-italienne et des belles perspectives qu’elle doit continuer à ouvrir.

 

Sur l'ensemble de l'année 2018, la croissance italienne a atteint 0,8%. La baisse survenue au troisième trimestre intervenait après 14 trimestres consécutifs de petite hausse. La croissance italienne est affectée à la fois par le ralentissement de l'économie européenne, notamment allemande, les tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis et la prudence des entreprises italiennes qui ont tendance dans ce contexte à investir moins. Ce climat morose risque de compliquer les plans de la coalition populiste au pouvoir, qui a bâti son budget sur une croissance de 1% l'an prochain, une prévision jugée un peu optimiste par les experts et les institutions internationales.

 

Contact

CCI France Italie
Greta SALINA
Greta.salina(@)chambre.it
www.chambre.it

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